Protoxyde d'azote - Synthèse des connaissances

Le protoxyde d’azote, plus communément appelé « gaz hilarant » ou « proto », est un gaz utilisé dans le milieu médical pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.

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protoxyde azote

Présentation

Le protoxyde d’azote, plus communément appelé « gaz hilarant » ou « proto », est un gaz incolore utilisé dans le milieu médical pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques. Il est également employé comme gaz de pressurisation d’aérosol alimentaire, comme par exemple dans les cartouches pour siphon à chantilly ou les aérosols d’air sec.

Depuis les années 2000, le dispositif de veille sur les évolutions et les phénomènes émergents dans le champ des drogues de l’OFDT (TREND) met en évidence des usages récréatifs de ce produit, dont les effets euphorisants durent quelques minutes. Le contenu de la cartouche est vidé dans un ballon de baudruche puis inhalé par l’usager.

Production/offre

Du fait de son usage industriel, le protoxyde d’azote n’est pas classé sur la liste des produits stupéfiants. Dans la plupart des cas, de petites cartouches de gaz destinées à la fabrication de crème fouettée sont utilisées pour remplir des ballons de fête, d’où le gaz est inhalé. Les cartouches sont achetées dans des magasins physiques (supermarché) et en ligne.

À partir de 2017, les lieux de vente se multiplient : des commerces de proximité, épiceries, bars et boîtes de nuit commencent à vendre des capsules, d’abord dans les Hauts-de-France, puis sur l’ensemble du territoire métropolitain. En 2019, des sites internet spécialisés dans la vente de protoxyde d’azote proposent de nouveaux contenants qui vont rapidement se substituer aux « capsules » : des bonbonnes (les plus imposantes pèsent plus de 600 grammes et permettent de confectionner plus de 80 ballons pour un coût situé entre 25 et 30 euros l’unité) et des bouteilles (nommées « réservoirs » sur les sites de vente en ligne et « tanks » par les usagers, qui pèsent jusqu’à 15 kg pour une contenance estimée entre 1 000 et 2 000 ballons à un prix excédant les 200 euros). Domiciliées à l’étranger (principalement en Belgique et aux Pays-Bas), ces entreprises assurent la livraison du gaz au domicile de l’acheteur en quelques jours. Elles proposent des achats en grande quantité permettant de réaliser des économies d’échelle. Des palettes de plusieurs centaines de bonbonnes peuvent ainsi être livrées après établissement d’un devis personnalisé.

Depuis 2020, des réseaux plus ou moins structurés (certains déjà impliqués dans la vente de stupéfiants) importent via des sites internet d’importantes quantités de protoxyde d’azote sur le territoire métropolitain. Ils en assurent le stockage et la revente au détail (une quantité de sept tonnes de protoxyde d’azote d’une valeur marchande de 2,7 millions d’euros a ainsi été saisie par les forces de l’ordre en décembre 2021, en Seine-et-Marne). Lorsque l’offre de protoxyde d’azote s’inscrit dans des réseaux de trafic de stupéfiants organisés, ses modalités de vente et de promotion sont les mêmes que celles des autres produits : points de vente fixes, « drives », ou achat par le biais de comptes dédiés sur des réseaux sociaux (Snapchat), livraisons possibles, promotion et marketing du produit, notamment via des flyers.

Consommation en population adolescente

Comme les poppers, le protoxyde d’azote est consommé par des populations de lycéens et d’étudiants, en partie pour les mêmes raisons :  facilité d’accès au produit (statut légal), effets appréciés pour leur vitesse d’apparition (euphorie soudaine) et leur fugacité (quelques minutes).

Un volet exceptionnel de l'enquête nationale en collège et en lycée chez les adolescents sur la santé et les substances (EnCLASS) montre en 2021 que l’usage à l’adolescence ne semble pas marginal dans la mesure où 5,5 % des élèves de 3e disent avoir déjà consommé du protoxyde d’azote, les garçons deux fois plus souvent que les filles (7,3 % contre 3,7 %).

À travers l’Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense (ESCAPAD), il est observé en 2022 que la consommation de protoxyde d’azote a été expérimentée par 2,3 % des jeunes de 17 ans et 1,2 % en ont consommé au cours des douze derniers mois.

La répartition géographique de ces usagers est très atypique : ils sont significativement plus nombreux en proportion en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur tant en termes d’expérimentation (respectivement 3,2 % et 3,5 %) que d’usage dans l’année (respectivement 1,6 % et 2,2 %). De plus, les niveaux d’usage de protoxyde d’azote varient du simple au triple entre espaces ruraux et grandes agglomérations (1,1 % dans les communes rurales, 3,1 % pour les unités urbaines d’au moins 200 000 habitants).

Consommation en population adulte

La mesure des prévalences d’usage de protoxyde d’azote en population générale adulte en France reste embryonnaire.

Néanmoins, le dispositif TREND observe les contextes de consommation en population adulte en 2022. A l’origine cantonné au milieu festif alternatif, les usages de protoxyde d’azote sont actuellement observés dans des contextes variés (free parties, warehouse, mais aussi festival généraliste, soirées…) associé à du cannabis et de l’alcool.

Conséquences

Le mécanisme d’action du protoxyde d’azote n’est pas encore complètement éclairci. Les effets psychiques aigus les plus notables sont une diminution de la douleur, une euphorie, une diminution de l’anxiété, des illusions sensorielles et une altération de la conscience. Les effets psychiques régressent en quelques minutes.

Les effets physiques sont peu importants tant qu’il n’y a pas de déficit en oxygène du fait d’une inhalation à trop forte concentration ou trop prolongée de gaz hilarant. Les complications aiguës habituelles sont des nausées, des troubles de l’équilibre et des céphalées. Un autre danger de l’inhalation du protoxyde d’azote est la brûlure par le froid (gelures) au niveau des lèvres, du larynx et de la langue, en cas d’inhalation directement à partir de la cartouche. La complication la plus grave est une perte brutale de connaissance (ou « ball-holes », selon le vocabulaire des usagers) pouvant aller jusqu’à l’arrêt respiratoire. Des effets dissociatifs ont également été décrits.

En cas de prise chronique, une dépendance peut s’installer. Toutefois, aucun signe de sevrage n’a encore été décrit. En cas de consommation persistante dans le temps, des séquelles de long terme, pour partie irréversibles sont possibles : atteinte de la moelle épinière, carence en vitamine B12, anémie, troubles psychiques, troubles neurologiques. Un effet indésirable grave de long terme est une lésion des cellules nerveuses cérébrales liée à des déficits répétés en oxygène (dégradation des fonctions cognitives comme la concentration et la capacité de mémorisation).

À l’image de l’augmentation des usages, les sites TREND décrivent une recrudescence de cas présentant des dommages sévères liés à la consommation de protoxyde d’azote répertoriés par les sites d’addictovigilance. À titre d’exemple, le centre d’addictovigilance de Lille répertorie :

Perceptions/opinions

Les caractéristiques du protoxyde d’azote (facilité d’accès, croyance en son statut légal, effets fugaces) contribuent à forger chez les jeunes – consommateurs ou non – une image positive du gaz, dans la mesure où sa consommation n’est pas ou peu perçue comme potentiellement dangereuse au plan sanitaire.

D’après les usagers interrogés dans le cadre d’un Tendances consacré aux usages psychoactifs du protoxyde d’azote en 2022, ce produit est rapproché au poppers qui partagerait ces caractéristiques. Le gaz hilarant est opposé à d’autres produits, notamment l’alcool et le cannabis, dont la consommation serait moins contrôlable, tant à court terme (survenue d’effets puissants, longs, difficilement maîtrisables, et parfois indésirables à l’instar de la « gueule de bois » pour l’alcool) qu’à long terme (risque de dépendance). Dans le même sens, le mode d’usage, par inhalation, est perçu comme comportant moins de risques, comme étant relativement inoffensif pour la santé, en comparaison à d’autres modalités d’usage associées à d’autres substances, notamment le fait de fumer. L’ensemble des personnes interrogées a connaissance des effets indésirables et des risques sanitaires les plus couramment encourus lors de consommations et des manières de s’en prémunir.

Les pratiques de réduction des risques concernent les dangers immédiatement liés à la consommation (perte de connaissance, brûlures, etc.). Autrement dit, dans les représentations, la dangerosité du protoxyde d’azote est considérée à court terme et en lien avec la situation de consommation, qu’il s’agit de sécuriser. En revanche, les conséquences sanitaires liées à un usage fréquent et important du produit sont beaucoup moins souvent connues. Lorsque c’est le cas, les personnes interrogées se montrent peu soucieuses et peu concernées par ces risques, qu’elles associent à des consommations problématiques (comme le fait de consommer seul, en dehors des temps festifs, quotidiennement ou plusieurs fois par semaine) éloignées de leurs usages modérés et contrôlés.

Cadre légal et orientations publiques récentes

La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 « tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote » interdit la vente aux mineurs (art. L. 3611-2 du Code de la santé publique) et prévoit de punir de 15 000 euros d’amende « le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs » (art. L.  3611-1). La vente aux majeurs est également interdite dans les bars, discothèques, débits de boissons temporaires (foires, fêtes publiques...) et dans les bureaux de tabac. La loi prévoit la possibilité de limiter la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers et interdit en outre la vente et la distribution d’accessoires facilitant la consommation, comme les « crackers » ou les ballons dédiés à cet usage.