Fil d'Ariane
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Une « addiction comportementale » ou « addiction sans produit » est un trouble addictif lié à une activité ou un comportement, en l’absence de consommation de toute substance psychoactive.
L’observation de comportements semblables à ceux de l’addiction aux produits, mais centrés sur une activité donnée, partageant les mêmes facteurs de risque et les mêmes caractéristiques évolutives, a contribué à faire émerger le concept « d’addiction à une expérience » et à minorer le rôle physiologique du produit dans le développement d’une addiction. Ce dernier est à l’origine de la dépendance se traduisant par un syndrome de sevrage, qui peut exister en dehors d’une addiction. Les troubles addictifs comportementaux peuvent néanmoins eux aussi donner lieu à un syndrome de sevrage à l’arrêt (nervosité, anxiété, irritabilité…), dont l’origine est plus complexe.
Les nombreux travaux consacrés au jeu d’argent et de hasard (JAH) ont pu montrer la similarité des modifications fonctionnelles et anatomiques des circuits cérébraux avec celles caractéristiques de l’addiction à des substances. Le JAH apparait comme trouble addictif comportemental dans le DSM-5 (2013, mis à jour en 2022) sous l’intitulé français « Jeux d’argent pathologique », et dans la CIM-11 (2018 en anglais ; 2022 en français), sous l’intitulé « jeu de hasard ».
D’autres pratiques sont habituellement évoquées comme pouvant conduire à l’addiction. Il s’agit principalement des troubles liés aux jeux vidéo ou à d’autres activités accessibles par Internet (réseaux sociaux, streaming…), aux pratiques sexuelles (pornographie en ligne, en particulier), à l’achat compulsif, à l’exercice physique, au travail, et à certaines conduites alimentaires. Les supports de ces activités sont aussi souvent désignés comme des « objets » d’addiction, tels que le smartphone, les écrans, Internet ou les technologies de l’information et de la communication, sans que le rôle attribué au média (par rapport à l’activité pratiquée par son intermédiaire) dans la genèse de l’addiction soit toujours très clair.
Il s’agit d’activités courantes, sources de satisfaction et pratiquées par tous ou par une grande part de la population. La part des personnes souffrant d’une addiction pathologique, parmi ceux pratiquant l’activité, reste très minoritaire et celle-ci apparait en présence de plusieurs facteurs de vulnérabilité.
Tous ces comportements peuvent donner lieu à des symptômes semblables à ceux de l’addiction : la répétition d’un comportement ou d’une activité qui prend de plus en plus de temps, au détriment des autres activités (travail, sommeil, vie sociale, loisirs…). La personne a perdu le contrôle de sa pratique, n’arrive pas à réduire ou à abandonner cette activité, ou rechute de manière répétée, en dépit de sa volonté et des conséquences négatives importantes sur son bien-être physique, mental, social, financier, etc. Elle ressent une souffrance à l’arrêt et des impulsions décrites comme des envies irrépressibles de reproduire cette pratique. C’est particulièrement la perte de contrôle qui permet de différencier une addiction, d’autres pratiques excessives ou d’un très fort investissement dans une activité donnée (passion).
Cependant, l’attribution de la qualification d’addiction à chacun d’entre eux (hormis le JAH) ne fait pas l’objet d’un consensus et est, pour certains comportements, très controversée. Cette disparité de points de vue tient surtout aux critères exigés pour définir précisément ce qu’est une addiction. Les cliniciens s’appuient essentiellement sur des critères cliniques et font face à ces troubles avec les thérapies psycho-comportementales, et parfois des prescriptions médicamenteuses, utilisées dans le traitement de l’addiction.
Par ailleurs, toute pratique problématique de ces diverses activités n’est pas de nature addictive (par exemple, le harcèlement par le biais des réseaux sociaux ou la fatigue oculaire consécutive à un temps important passé devant un écran). De même, si un trouble addictif s’accompagne très généralement d’un temps très important consacré à l’activité, il a été montré que l’inverse n’est pas vrai : la durée importante d’une pratique n’indique pas nécessairement l’existence d’un trouble.
Les mots « addict », « addictifs », mais aussi « addiction » ou « conduite addictive » sont employés pour désigner des situations dont le caractère de gravité est hétérogène. Il existe en effet, entre un usage courant et une addiction pathologique, une continuité de situations. Ainsi, entre les termes « addict » et « addictif », employés dans leur sens positif (qui « accroche »), et l’addiction comme une véritable pathologie psychiatrique, en passant par des usages plus ou moins problématiques, mais plus facilement réversibles, l’emploi du mot « addiction », selon le sens que l’on lui donne ne réfère pas toujours à une conduite pathologique.
A l’inverse, pour s’affranchir de la question de l’addiction, très souvent, les pratiques problématiques ne sont pas désignées par le terme « addiction » dans la littérature scientifique. Il existe, pour chacune d’entre elles, une diversité de termes : dépendance, troubles liés à, trouble de l’usage de, trouble addictif, usage excessif, problématique, compulsif, d’allure addictive (addictive-like), pathologique, inadapté, etc. Il n’est pas toujours facile de déterminer ce que recouvrent précisément ces termes.
L’éventail des taux de prévalence publiés pour les troubles liés à une activité donnée est généralement très large et les possibilités de comparaison sont peu nombreuses. Ces résultats dépendent, en particulier, de ce que mesure exactement l’outil de repérage utilisé (niveau de sévérité des troubles, importance donnée à un critère plus qu’à l’autre, contours des activités observées…), de la population spécifiquement enquêtée et de sa représentativité.
Les comportements de type addictifs passant par Internet ont connu une croissance rapide, surtout avec la diffusion du téléphone portable et les efforts des producteurs de contenus pour capter les utilisateurs et les retenir le plus longtemps possible, favorisant ainsi les temps d’usage excessifs. Dans ce cadre, les pratiques problématiques portent, en premier lieu, sur le jeu vidéo, puis sur la pratique des réseaux sociaux.
Certains professionnels parlent de cyberdépendance ou d’addictions aux technologies de l’information et de la communication.
Qu’elles concernent les activités en ligne dans leur globalité ou chacune d’entre elles spécifiquement, les études sont, en grande majorité, menées au sein de populations jeunes, souvent constituées d’élèves ou d’étudiants, sur la base d’échantillons non représentatifs.
Les outils de mesure les plus connus sont l’Internet Addiction Test (IAT) et la Compulsive Internet Use Scale (CIS).
Les prévalences mesurées montrent des écarts très importants selon les études (de 1 % des adolescents de Norvège à environ 50 % selon une étude menée en 2013 dans plusieurs pays d’Asie), faute de consensus sur la délimitation des troubles et sur les grilles de mesures.
Les données disponibles convergent pour désigner les pays européens comme les moins touchés par ces usages problématiques, en particulier en comparaison avec les pays du continent asiatique. Les jeunes adultes semblent constitués le groupe le plus concerné. Les données concernant le genre sont hétérogènes.
Chez les adolescents européens, la prévalence moyenne de l’usage problématique d’Internet se situerait entre 1,2 % et 4,4 % (Lopez-Fernandez et al., 2023). L’une des études internationales, menée en 2009 dans 11 pays européens, dont la France, fait état d’une prévalence moyenne de l’usage pathologique d’Internet chez des adolescents scolarisés, égale à 4,4 % (2,6 % pour la France) (Durkee et al., 2012).
Chez les adultes, l’addiction à Internet toucherait environ 2 % de la population à travers le monde (Lozano-Blasco, 2022). Une étude internationale menée en 2015 identifie des prévalences d’usage problématique s’étendant de 0,7 % en Italie à 5,4 % en France (à l’exception du Royaume-Uni, plus atypique avec 10,1 %) (Lopez-Fernandez et al., 2023). D’autres travaux confortent ces ordres de grandeurs, mais certaines études internationales retrouvent des prévalences de l’ordre de 15 % à 20 %.
L’existence d’une addiction aux jeux vidéo n’est plus discutée qu’à la marge. Le trouble addictif lié au jeu vidéo apparait dans la CIM-11 (« jeu » dans la version française) et dans le DSM-5, dans un chapitre « Affections proposées pour des études supplémentaires » sous l’intitulé, en français « usage pathologique des jeux sur Internet ».
La majorité des professionnels soulignent aussi les apports positifs du jeu vidéo et le fait que cette pratique doit être plutôt régulée et contrôlée, que stigmatisée par crainte des possibles conduites addictives. L’addiction aux jeux ne doit pas être confondue, avec des périodes de jeu excessif, temporaires, qui peuvent concerner, à un moment ou à un autre, une grande partie des adolescents.
Dans les années 2010, a émergé un modèle économique des jeux vidéo en ligne, qui consiste à tirer des profits liés à la pratique du jeu par le joueur, et non uniquement lors de l’acte d’achat. Cette monétisation des jeux vidéo se traduit par des incitations répétées adressées aux joueurs, directes ou implicites, à dépenser de l’argent réel, pour améliorer les conditions de jeu ou accélérer leur progression. Pour renforcer l’addictivité des jeux et maximiser les dépenses des joueurs, les concepteurs de jeux y intègrent des mécaniques de jeu, propres aux JAH, dont l’impact sur les pertes de contrôle a été bien montré.
Parmi de multiples échelles de mesure, celle qui apparait la plus utilisée serait celle dérivée du Young Internet Addiction Test (YIAT) suivie par la GAS-7 (Game Addiction Scale-7), dont il existe une version en 9 questions (GAS-9).
La majorité des prévalences du trouble du jeu vidéo en ligne, mesurées sur de grands échantillons d’adolescents (1 000 à 20 000 personnes), publiées depuis 2015, et utilisant les outils de mesure les plus fréquents se concentrent entre 1,2 % et 1,8 % (plus largement entre 0,3 % et 2,3 %). En France, une mesure (utilisant la GAS) de l’usage problématique du jeu vidéo auprès de 434 adolescents de 4ème de plusieurs collèges aboutit à une prévalence égale à 8,8 % (Bonnaire et Phan, 2017).
Depuis les années 2010, les cliniciens sont de plus en plus confrontés à des demandes d’aide de la part de personnes qui ont perdu le contrôle de leurs pratiques : particulièrement visualisation d’images pornographiques en ligne, mais aussi par exemple, masturbation compulsive ou recherche répétée de partenaires multiples par le biais d’applications spécifiques en ligne. La fréquence de ces troubles a augmenté avec la diffusion du smartphone (on parle aussi de cyberpornographie).
Les troubles addictifs des pratiques sexuelles sont plus souvent qualifiés de comportement compulsif que d’addiction. Ils apparaissent dans le DSM-5 et la CIM-11, mais dans d’autres chapitres que celui des pratiques addictives.
Il existe de nombreux outils de mesure qui ne se recouvrent, ni en termes d’activité mesurées, ni en termes de critères et les travaux menés en population générale sont rares.
Les prévalences des conduites sexuelles compulsives rapportées par les revues bibliographiques, mesurées en particulier aux Etats-Unis, sont, pour la majorité d’entre elles, de l’ordre de 1 % à 6 % (sur différentes temporalités). Outre la question des outils, la fiabilité des réponses peut également être interrogée, compte tenu des possibles réticences des personnes interrogées à s’exprimer sur ces sujets (Derbyshire et Grant, 2015).
Les conduites problématiques seraient maximales chez les adultes jeunes (26-40 ans). Chez les étudiants, les mesures des prévalences de l’utilisation problématique de la pornographie en ligne montrent des écarts extrêmes s’étendant selon les études de 0,17 % à 80 %. Il est établi que la prévalence des troubles est plus importante chez les hommes que chez les femmes (environ 3 à 5 hommes pour une femme).
Aucune donnée française n’a été retrouvée.
Le mot écran, comme objet d’usage problématique, apparait très peu dans la littérature scientifique concernant les addictions, au profit de tous les termes qui désignent les activités accessibles par Internet. Celles-ci peuvent être qualifiées d’addictives, dans le sens où elles ont pour point commun de capter et de retenir l’utilisateur, et donc de favoriser des temps d’usage prolongés.
Cependant, les termes « addiction aux écrans » sont trompeurs. La majorité des discours ou recherches s’intéressent plutôt aux comportements des enfants et des adolescents, lorsque le temps passé devant un écran est jugé excessif, parce qu’il vole le temps dévolu à d’autres activités (nécessaire au développement cognitif, au sommeil, à l’exercice physique, à l’investissement scolaire…), parce qu’il a des effets négatifs sur la santé physique (fatigue oculaire, obésité…) ou en raison du caractère inadapté à l’âge de l’enfant, de l’exposition aux écrans ou de certaines activités ou contenus accessibles. On attribue souvent, dans ce cas, à l’addiction, des conséquences qui n’ont pas de rapport avec cette entité pathologique (par exemple les retards des acquisitions cognitives chez le jeune enfant) et à un objet, un caractère négatif en lui-même.
La littérature constate que le caractère problématique des activités en ligne des enfants dépend de leur nature (adaptation ou non à l’âge de l’enfant, risques divers…), de leur contexte (participation des parents, caractère interactif…) et des activités proposées en remplacement.
Il existe de nombreuses données sur l’exposition aux écrans ou les usages des écrans chez les enfants et les adolescents et sur leurs possibles effets négatifs mais, a priori, peu sur l’addiction.
Au-delà du caractère addictif des réseaux sociaux (difficulté à s’en détacher), il semble que les questionnements s’organisent plus autour de leurs mauvais usages, particulièrement chez les jeunes (harcèlement, désinformation, rumeurs…) et de leurs potentiels effets négatifs (par exemple sur l’image et sur l’estime de soi à l’adolescence), qu’autour d’une véritable addiction pathologique. Un temps identique d’usage, par exemple, peut traduire, selon la personne, un état de mal-être ou l’état de bien-être de celle qui a un riche réseau social, y compris dans le monde physique.
ll existe diverses grilles de repérage dédiées aux troubles liés aux réseaux sociaux. Il est difficile d’évaluer lesquelles sont les plus utilisées. Une méta-analyse conduite sur 63 échantillons indépendants issus de 32 pays, observe une hétérogénéité des prévalences de l’addiction aux médias sociaux. Les études ont été réunies en trois groupes, selon les outils de mesure choisis, interprétés comme des degrés variables de sévérité des troubles. Les prévalences moyennes sont égales à 5 %, pour une définition « très sévère » de l’addiction, à 13 % pour un niveau « sévère » et à 25 % pour un niveau « modéré » (Chen et al., 2021).
A priori, il n’existe pas de données françaises.
La diffusion du smartphone s’est accompagnée de l’accroissement de tous les troubles addictifs liés aux pratiques en ligne, en raison de sa disponibilité permanente et de la multiplication des applications disponibles. Pour autant, ce sont le plus souvent les activités auxquelles il donne accès, qui sont concernées par les addictions, et beaucoup de professionnels considèrent que le smartphone ne serait qu’un facilitateur.
Toutefois, certains comportements, qui ne sont pas nécessairement des addictions, semblent liés au téléphone lui-même : notamment la vérification excessive des notifications ou des messages (overchecking), conduite potentiellement de nature automatique, ou la diminution de la conscience d’autrui, en accordant plus d’importance à son téléphone qu’aux personnes (phubbing qui est une contraction de phone pour téléphone et snubbing pour snober).
De nombreuses échelles sont utilisées dont deux ont été validée en France : la Short version of the Problematic Mobile Phone Use Questionnaire (PMPUQ-SV) et l’Internet Addiction Test–version smartphone (IAT-S).
Les prévalences obtenues au niveau international (de 10 % à 60 % environ) dépendent des outils utilisés et de la différenciation entre usage important, excessif, problématique et addiction, qui est souvent implicite. La pertinence des mesures est très critiquée.
S’agissant des comportements alimentaires, le modèle de l’addiction est surtout proposé pour une forme d’hyperphagie, désignée initialement en français par l’expression « hyperphagie boulimique » puis par « accès hyperphagiques récurrents ». L’objet du trouble n’est pas encore clairement défini, empruntant aux addictions comportementales mais également à l’addiction aux substances : l’addiction à des substances hautement caloriques, sucrées et grasses, facilement très attractives (food addiction).
La préoccupation pour ces conduites hyperphagiques est intimement liée à celle pour l’obésité, jusqu’à conduire à des glissements de sens, qui tendent, à tort, à les assimiler. L’application du modèle addictif à l’hyperphagie répond à deux enjeux majeurs : le premier est d’expérimenter les prises en charge développées pour l’addiction, auprès des personnes souffrant de cette forme d’hyperphagie. Le deuxième est sociétal : derrière la reconnaissance d’un trouble de nature addictive lié aux aliments gras et sucrés, souvent bon marché et largement diffusés, se joue la recherche de leviers pour influer sur leur composition.
Une composante addictive (addiction à la faim ou au jeûne et au contrôle) est également évoquée pour le trouble de l’alimentation avec restriction ou évitement et pour l’anorexie mentale.
Les troubles de l’alimentation sont présents dans le DSM-5 et la CIM-11, mais dans d’autres chapitres que celui des pratiques addictives.
La Yale Food Addiction Scale (YFAS) est l’outil le plus utilisé. D’autres outils existent également, en particulier la Eating Disorder Inventory (EDI), validé et beaucoup utilisé en français, en particulier dans sa forme condensée
Les données de prévalence dépendent des conduites observées. L’addiction à la nourriture pourrait concerner entre 20 % et 40 % des personnes consultant pour obésité. Elle concernerait davantage les hommes que les femmes.
L’existence de syndrome de sevrage à l’arrêt d’une activité sportive extrêmement régulière est attestée. L’existence de pratiques problématiques accompagnées de symptômes de type addiction est relativement reconnue. L’identification d’une conduite addictive est difficile, dans la mesure où le sport est une activité très valorisée par la société.
Une autre difficulté, en particulier lorsque l’on veut faire des mesures de prévalence, est la distinction entre une addiction (aux conséquences négatives sérieuses) et un très fort investissement dans une activité sportive. La pratique du sport de haut niveau présente, en effet, certaines caractéristiques proches de celles de l’addiction et peut s’accompagner de conséquences similaires : retrait des relations sociales, blessures, conflits possibles avec l’entourage, etc. De même, les préoccupations concernant l’alimentation, le poids et la forme du corps peuvent être des exigences de la discipline.
Les conduites addictives portant sur l’exercice physique sont fréquemment associées à des troubles des conduites alimentaires, dont elles peuvent être une manifestation.
Quant aux sports les plus concernés, les études produisent des résultats contradictoires, même si les sports d’endurance sont souvent cités comme les plus touchés.
Les outils les plus utilisés sont l’Exercice dependence Scale (EDS), qui constitue, en quelque sorte la référence, et l’Exercise Addiction Inventory (EAI). Tous les deux sont validés en français. Il existe d’autres outils plus marginaux. Certaines grilles sont focalisées sur un sport telles que, par exemple, la Running addiction Scale ou les critères de dépendance au bodybuilding.
Actuellement, il n’existe pas réellement de données de prévalence fiables mesurées sur des échantillons représentatifs. Les raisons en sont la diversité des outils, qui identifient des comportements de différentes nature (risque, haut risque, addiction…) et leur inadaptation à certaines populations, mais aussi l’hétérogénéité des populations enquêtées (sportifs de haut niveaux dans un centre d’entrainement, personnes fréquentant une salle de fitness, coureurs amateurs ou groupes où les profils des sportifs ne sont pas différenciés…).
La notion « d’addiction au travail », plus souvent appelée dépendance, est récente (années 2000). L’existence de conduites excessives ou compulsives liées au travail et menant, par exemple, à des situations de burn-out est avérée, mais le caractère addictif de ces troubles ne fait pas l’objet d’un consensus. Le terme addiction pourrait être employé trop largement, pour qualifier des conduites ou des situations de travail excessif, ne relevant pas d’un processus addictif. Elles peuvent en particulier répondre à des contraintes d’ordre divers, dont celles liées au travail lui-même ou aux conditions de travail. À l’inverse, il peut être difficile de repérer le caractère pathologique d’une conduite socialement très valorisée.
Le terme anglais workaholism est souvent employé comme synonyme d’addiction au travail. Or, celui-ci est un concept, construit, à partir des années 1990, par les sciences managériales et celles de la psychologie appliquée au travail ou aux organisations, sans aucune référence à la clinique et au processus de l’addiction : le workaholisme caractérise l’individu qui travaille de manière excessive et compulsive, en réponse à une pression interne responsable d’un mal-être et d’une culpabilité. Cette approche relève d’un modèle comportemental caractérisé par le rôle majeur donné aux caractéristiques personnelles de la personne.
Les mesures de prévalences souffrent du flou autour du concept d’addiction au travail, terme souvent plaqué sur des critères caractérisant le workaholisme dans lequel le rapport problématique au travail dépasse largement les limites de l’addiction. Aucun des trois principaux outils de mesure de l’addiction au travail la Dutch Work Addiction Scale (DWAS), la Work addiction Risk test (WART), déjà utilisée en France, et la Bergen Work Addiction Scale (BWAS) n’émane du champ de l’addictologie. Sur une base bibliographique, une étude considère la seule BWA comme mesurant l’addiction au travail (Morkevičiūtė et al., 2021).
Compte tenu de la diversité des outils de mesure et surtout des problèmes de représentativité de beaucoup d’études, les données de prévalences du workaholisme s’étendent, au niveau international, de 1,5 % à près de 45 %. Une méta-analyse publiée en 2023 estime, à partir des 10 études menées sur des échantillons nationaux représentatifs (sur 53 études sélectionnées), la prévalence moyenne du workaholisme à 8 % (IC95 % = [3,4 – 17,8]). Cette mesure s’élève à 15,2 % (IC95 % = [12,4 – 18,5], si elle s’appuie sur l’ensemble des études (Andersen et al., 2023). Lorsqu’elles sont essentiellement basées sur le temps de travail, les mesures retrouvent, sans surprise, que les cadres, les professions intellectuelles supérieures et les personnes employées dans les sociétés de service travaillent plus que les autres et les hommes plus que les femmes (d’autant plus lorsque les temps partiels restent inclus dans ces mesures).
A priori, il n’existe pas de données françaises représentatives.
Les troubles liés aux pratiques d’achat sont majoritairement qualifiés de « compulsifs ». Ils font références à des situations très hétérogènes.
Il existe deux manières de percevoir l’achat compulsif.
Les outils de mesure les plus utilisés dérivent de la Compulsive buying scale (CBS).
Les mesures de prévalence ne sont pas comparables d’une enquête à l’autre et varient considérablement selon de multiples critères (type de pratiques mesurées, populations le plus souvent auto-sélectionnées, poids plus ou moins important donné aux facteurs émotionnels ou encore à des niveaux de revenu...)
Dans la population générale, les études internationales mesurent des prévalences de l’ordre de 5 % (1 % à 10 %).
Il n’existe, a priori, pas de données françaises en population générale.
La prévalence de l’achat compulsif évolue de manière inverse à l’âge. S’agissant du genre, le fait que ces troubles affecteraient plus fréquemment les femmes n’est pas toujours retrouvé. En revanche, elles seraient plus nombreuses à demander de l’aide.